Développement Durable - RSE

Risques pour les vendanges et les vendangeurs : les résultats préoccupants de l’étude CLISEVE

Publié le 23 septembre 2024

Par Zoé Crouseilles, pour Vignerons Engagés

Article proposé en partenariat avec Vignerons Engagés*

Le réchauffement climatique (fortes chaleurs) menace dangereusement les travailleurs des vignes. C’est l’une des conclusions préoccupantes de l’étude CLISEVE (Climat, Santé et Vignobles) que publie Vignerons Engagés. Un Guide des bonnes pratiques a été publié, apportant des solutions concrètes pour aider chacun et chacune à s’adapter en période de fortes chaleurs.

Le changement climatique n’est plus une hypothèse lointaine, mais une réalité tangible pour nos vignobles. Nous constatons chaque année des modifications profondes des conditions météorologiques : des vendanges généralement plus précoces, des périodes de sécheresse prolongées et une intensification des vagues de chaleur. Ces bouleversements ne concernent pas uniquement la production de vin, mais affectent aussi directement les conditions de travail.

Même si le cru 2024 fera presque office d’exception par rapport aux dernières années, les périodes de forte chaleur, avec des températures souvent supérieures à 30°C, sont désormais courantes pendant la saison des vendanges. Ces conditions extrêmes compliquent le travail, augmentent les risques pour la santé, et rendent difficile le recrutement de main-d’œuvre saisonnière.

Si le Sud peut traditionnellement sembler plus concerné par ces phénomènes, il est important de souligner qu’aucun vignoble n’est épargné. Les effets de cette évolution climatique se manifestent dans toutes nos régions viticoles, confrontant chaque acteur de la filière à des défis croissants.

L’étude CLISEVE, lancée en 2024, s’est donnée pour objectif d’évaluer précisément l’impact du changement climatique sur la santé des travailleurs dans la filière viticole. Menée auprès de 263 participants, dont 46% de vignerons, cette enquête a mis en lumière des résultats préoccupants.

Près de 80 % des répondants ont signalé des risques physiques accrus en raison des températures élevées[1]. Parmi les effets les plus courants, on note les malaises, la déshydratation, et la baisse de la vigilance. Les vagues de chaleur prolongées réduisent également la capacité des travailleurs à maintenir un rythme soutenu, ce qui entraîne des pauses plus fréquentes et une productivité réduite.

Au-delà des impacts physiques, l’étude a révélé des risques pour la santé mentale. Environ 37 % des répondants ont signalé des symptômes de stress, d’irritabilité ou de troubles du sommeil. Les femmes semblent être particulièrement touchées, présentant des niveaux de stress significativement plus élevés que leurs homologues masculins. Ce constat souligne l’importance de mettre en place des mesures préventives pour protéger la santé mentale des travailleurs.

Par ailleurs, un chiffre clé de l’étude pousse à de vives inquiétudes au sein de la filière : 43 % des répondants envisagent de quitter la viticulture dans les cinq prochaines années à cause des difficultés liées aux conditions climatiques. La pénibilité croissante du travail, combinée à une gestion des risques climatiques encore insuffisante, menace la durabilité de la filière.

Pour répondre aux conclusions de l’étude CLISEVE, l’association Vignerons Engagés a publié une checklist de 10 bonnes pratiques à l’intention des viticulteurs. Ce document, conçu comme un mémo, propose dix recommandations clés pour adapter le travail en période de fortes chaleurs.

  1. Suivre les prévisions météorologiques : Cela permet d’anticiper les vagues de chaleur et d’ajuster les activités en conséquence.[2]
  2. Adapter les horaires de travail : Les équipes devraient travailler tôt le matin, idéalement entre 6h et 13h, pour éviter les pics de chaleur. Les horaires peuvent être modifiés selon les régions.
  3. Éviter le travail isolé : Organiser les plannings pour s’assurer qu’aucun salarié ne travaille seul, ce qui permet d’avoir une vigilance mutuelle en cas de problème.
  4. Fournir un kit de protection individuelle : Ce kit devrait inclure un chapeau qui protège la nuque (type casquette saharienne), des lunettes de soleil, une crème solaire SPF 50+ à appliquer toutes les deux heures, ainsi que des vêtements amples, longs, légers et de couleur claire pour réduire l’exposition au soleil.
  5. Assurer l’accès à de l’eau potable : Il est recommandé de boire un verre d’eau toutes les 20 minutes, soit entre 2 et 4 litres d’eau par jour. Les boissons sucrées, caféinées, et surtout alcoolisées sont à proscrire.
  6. Imposer des pauses régulières : Les pauses doivent être faites dans des zones ombragées et ventilées pour que les travailleurs puissent se rafraîchir. Cela est essentiel pour éviter les coups de chaleur.
  7. Favoriser une alimentation légère : Les repas doivent être frais, légers et sans alcool pour éviter de surcharger le corps pendant les fortes chaleurs.
  8. Rappeler les gestes anti-coup de chaleur : En début de journée, il est crucial de rappeler aux équipes de porter un chapeau, de boire régulièrement, de faire des pauses à l’ombre, et de manger léger. Il faut également rappeler le numéro d’urgence à contacter en cas de problème : le 15.
  9. Vérifier la formation aux premiers secours : Il est utile de s’assurer que certains membres de l’équipe sont formés aux premiers secours pour pouvoir réagir en cas d’urgence.
  10. Reconnaître les symptômes d’un coup de chaleur : Les premiers signes incluent une grande fatigue, des étourdissements, des propos incohérents, une élévation de la température corporelle, une soif intense et des maux de tête. En cas de symptômes, 4 gestes à adopter : Protéger (déplacer la personne à l’ombre), Alerter (appeler le 15 ou le 112), Secourir (la rafraîchir avec de l’eau et desserrer ses vêtements) et Ventiler.

Modification des horaires de travail, réflexion autour des vendanges de nuit, interdiction de travailler au-delà d’une certaine température, adoption et suivi de mesure de prévention systématisées, formations globales, etc.  Le changement climatique impose à la filière viticole de repenser ses pratiques.

L’étude CLISEVE lancée par Vignerons Engagés et la checklist des 10 bonnes pratiques constituent des premières étapes cruciales vers une meilleure adaptation des conditions de travail. Néanmoins, il est impératif que ces initiatives s’accompagnent d’une mobilisation collective, à l’échelle nationale, pour protéger la filière viticole et les milliers de travailleurs qui en dépendent.


[1] Etude CLISEVE « Quels impacts du changement climatique sur la santé au travail dans la filière vin ? » Croissance bleue – Lapa research pour Vignerons Engagés – 2024 https://vignerons-engages.com/etude-climat-sante-et-vignobles/ 

[2] « Checklist des 10 bonnes pratiques en période de fortes chaleurs » – Vignerons Engagés – 2024 https://vignerons-engages.com/etude-climat-sante-et-vignobles/  


*A propos de Vignerons Engagés :

Vignerons Engagés est une organisation professionnelle fondée en 2007, dédiée au développement durable de la filière vin. Elle regroupe près de 6000 vignerons. Le label Vignerons Engagés est aujourd’hui reconnu comme le second label de durabilité le plus fiable par les consommateurs (Baromètre Sowine-Dynata 2024).

Par Zoé Crouseilles, pour Vignerons Engagés