SPÉCIAL VINITECH CONFERENCE ŒNOLOGUES DE FRANCE : « Quels vins rouges pour demain ? »

Profil produit : les vins rouges de Bordeaux face à leurs concurrents

Publié le 3 décembre 2024

Par Laurent Charlier, responsable recherche, innovation et tranfert du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux

Contact : laurent.charlier@vins-bordeaux.fr

 

L’étude du profil des vins rouges de Bordeaux est engagée depuis 2021 par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), avec ses partenaires techniques et scientifiques. Elle vise à identifier les gouts des consommateurs, les styles de vins préférés et à en déduire les pratiques à adapter.

En 2024, nous avons comparé un échantillon de vins rouges de Bordeaux à un échantillon de vins rouges de la concurrence, dans la même gamme de prix et composés en majeure partie de cépages bordelais. Les vins étudiés sont entre 5 et 8 € T.T.C. La cible des consommateurs de 18 à 45 ans a été retenue.

L’étude a comporté trois parties : la sélection des vins par un jury expert, la dégustation des vins par 200 consommateurs et l’analyse des données (« Preference mapping ») pour relier groupe de consommateurs et groupe de vins.

Une douzaine d’œnologues ont construit un lexique de vocabulaire, réalisé un entrainement commun puis dégusté, qualifié et sélectionné 20 vins* (10 bordeaux et 10 concurrents) parmi 43 vins. Une vingtaine de critères organoleptiques ont été utilisés pour qualifier avec précision chaque vin. Ce travail nous a permis de relier, ultérieurement et de manière précise, certaines préférences des consommateurs à des caractères organoleptiques bien définis. Le graphe 1 représente l’analyse réalisée et la répartition des vins retenus selon différents critères organoleptiques (en rouge les Bordeaux, en bleu les vins concurrents).

200 consommateurs ont été recrutés par notre prestataire Eurosyn pour la dégustation des 20 vins en mai 2024. Lors du recrutement du panel de consommateurs, nous avons cherché à mieux connaitre leur connaissance du vin (novice/connaisseur), leur mode d’apprentissage (cadre familial) ou encore leurs habitudes de consommation (repas, hors domicile…), ainsi que leur gout pour certaines saveurs (ex : sucré, amer…). Ces informations ont été rapprochées de leur gout pour tel ou tel groupe de vins.

Au global, les vins sont moyennement à bien appréciés (graphe 2 : résultats globaux). Il n’y a pas de vins très appréciés (> 7,5/10) mais pas de vins rejetés non plus (< 5/10). Les vins de Bordeaux (en rouge sur le graphe) plaisent bien. Nous n’avons pas de vins clivants (avec un très fort étalement des notes). En matière de préférence, un vin de Bordeaux se détache significativement et deux vins de la concurrence.

Au niveau organoleptique, le goût tient comme dans les précédentes études, un rôle central dans l’appréciation des vins (loin devant la couleur et l’odeur), et le fruité, une place clé dans l’appréciation du gout. Les vins les moins bien appréciés au niveau du gout sont aussi considérés comme pas assez intenses au niveau du gout fruité (cf. graphe 3 : goût et fruité). Et à l’inverse, les 2 vins les mieux notés de la concurrence, au niveau du gout (818 et 149), sont aussi les mieux notés comme vins fruités (> 65 %).

La sucrosité est un autre levier important dans l’appréciation du goût. Les vins les plus appréciés de la concurrence (818 et 149) sont ceux considérés comme les plus équilibrés (graphe 4 : goût, équilibre et sucrosité). Ces vins présentent des teneurs en sucres plus importantes.

Comme dans nos précédentes études, la sensation d’alcool (TAV au-delà de 14 %) est dépréciée globalement. Les vins de 14,5 % et plus sont perçus avec une sensation trop importante d’alcool (> 40 %) et en particulier pour un vin à 15% (47 %). Les vins sont également notés comme moins bien équilibrés.

Grâce à la technique du « Preference mapping » qui relie les préférences de gouts des consommateurs et les caractéristiques techniques des vins (déterminées par notre panel expert d’œnologues), nous avons identifié quatre groupes de consommateurs qui privilégient certains vins et en rejettent d’autres. Ces groupes peuvent présenter des caractéristiques communes sur le plan socio-démographique (âge, genre, etc.), mais se distinguent du point de vue de leurs préférences. Ainsi, les notes d’appréciation des vins issues de chacun de ces groupes sont plus élevées (vs. plus basses) que celles données par la population dans son ensemble.

Nous retrouvons tout d’abord 2 groupes déjà identifiés dans les précédentes études et rassemblant une part considérable de consommateurs : le groupe 1 « Boisé Vanille » et le groupe 2 « Fruité frais ». Ces groupes récurrents sont relativement opposés en termes de préférence. Le groupe 3 est constitué de consommateurs appréciant les vins colorés, puissants avec une teneur en alcool plus élevée. Le groupe 4 présente des préférences plus variées et plus difficiles à caractériser, axées sur des vins fruités variés.

L’étude profil produit apporte de nombreux résultats. Nous vous en proposons une synthèse ci-dessous (Figure 1).

Figure 1 : synthèse des attentes des consommateurs

Des attentes communes

Le gout est déterminant dans l’appréciation des vins (devant la vue et l’odorat). Les consommateurs cherchent un vin équilibré avec une certaine douceur voire sucrosité. Le fruit est attendu. Il est jugé en général « pas assez présent ». La buvabilité est aussi plébiscitée. La teneur en alcool est un point de vigilance. Le caractère alcooleux est perçu et déprécie la note des vins au-delà de 14 % TAV, même s’il existe des amateurs plus ciblés pour ce type de vins (cf. Groupe 3). Le caractère boisé (vanillé) est apprécié par certains consommateurs (groupe 1) qui trouvent de nombreuses vertus à ces vins (équilibre, appréciation du gout, sucrosité). Ce n’est pas le bois qui est recherché, mais un type de vin agréable où le boisé fondu participe aux qualités du vin.

Diversité des gouts

S’il existe de réelles préférences chez certains consommateurs (profil boisé vanille, profil fruité frais), la diversité des gouts et préférences est bien réelle. Certains groupes de consommateurs peuvent privilégier certains profils (groupes 1 et 2) tandis que d’autres sont plus ouverts à une diversité d’expression (groupe 4 en particulier).

* vins sélectionnés (millésimes 2022 et 2021) :

– AOC rouges principalement bordeaux et bordeaux supérieur

– concurrents : AOC (Duras, Languedoc, Corbières, Chinon), IGP (Pays d’Oc, Ardèche, Côtes de

Gascogne) et vins de France

Par Laurent Charlier, responsable recherche, innovation et tranfert du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux

Contact : laurent.charlier@vins-bordeaux.fr