SPÉCIAL VINITECH CONFÉRENCE ŒNOLOGUES DE FRANCE : Les vins nolow

« Parce que moi aussi, j’aime le vin »

Publié le 25 novembre 2024

Par Frédéric Chouquet-Stringer, fondateur de Zenothèque*

 

« Parce que moi aussi, j’aime le vin. » C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de lancer Zenothèque en 2021.

Quand la Revue Française d’Œnologie m’a demandé d’écrire un article sur le « sans alcool », j’ai d’abord pensé à préparer un texte très détaillé sur les aspects juridiques et techniques. Puis, je me suis dit que vous, lecteurs, vouliez des informations pratiques. Mais surtout, vous souhaitez réfléchir, vous forger un avis, et sentir qu’aimer le vin et opter pour le sans-alcool, c’est possible.

Quand on se lance dans le « sans alcool » ou le « nolow », l’une des complexités majeures réside dans la compréhension du cadre juridique et dans le lien entre celui-ci et le vocabulaire des consommateurs.

Pour le consommateur, tout est simple : il veut du vin sans alcool. Pourtant, le vin sans alcool, juridiquement parlant, n’existe pas. Depuis décembre 2021, l’Europe dispose d’une définition claire du vin partiellement désalcoolisé et du vin désalcoolisé, mais pas du vin sans alcool.

Le vin partiellement désalcoolisé aura un taux d’alcool entre 8,5 et 0,5 %, le vin désalcoolisé aura moins de 0,5 %. Et pour faire simple : pour garder cette dénomination, il est impératif de respecter toutes les règles du droit du vin. Ce qui signifie, par exemple, qu’il est interdit de rajouter des arômes exogènes, qu’ils soient naturels ou non.

Cela semble simple à première vue : on désalcoolise un vin, on le met en bouteille et c’est terminé. Eh bien, non. Malgré les avancées technologiques dans le domaine, désalcooliser un vin n’est pas anodin et entraîne une perte d’arômes et de sensations en bouche.

Heureusement, il existe quatre leviers principaux afin d’assurer la qualité désirée :

  • La qualité du vin de base
  • La technologie de désalcoolisation
  • La technologie de récupération des arômes
  • Le travail en aval sur le vin (édulcoration, aromatisation…)

Grâce à ces quatre leviers, le producteur peut définir non seulement la qualité du produit final, mais aussi l’approche économique de son projet. Les philosophies varient selon les viticulteurs, œnologues et spécialistes de la désalcoolisation. Certains privilégient un travail en aval pour obtenir un prix compétitif, même au détriment de l’appellation « vin ». D’autres, comme Zenothèque, misent sur la qualité du vin de base et la récupération des arômes. Il n’existe pas de bonnes ou mauvaises décisions, mais seulement des choix adaptés à chaque projet.

C’est probablement le point clé pour réussir un projet de désalcoolisation. Il est fondamental de savoir pour quel groupe cible et quel réseau de distribution ce vin est conçu. La réponse « technique » variera selon que l’on souhaite produire un vin destiné aux non-buveurs de vin, vendu en grande distribution, ou un vin pour connaisseurs, commercialisé dans les caves les plus prestigieuses.

Un peu le même challenge que dans le vin avec alcool me direz-vous ? Absolument.

Le sans alcool semble être vu par beaucoup comme la solution à la déconsommation et aux stocks encombrants. Cela ne le sera pas pour tous, en langage managérial, il faut s’assurer du « product market fit ». Décider de faire un 0,0 % sur de gros volumes d’un vin initialement à 14 %, en passant par l’osmose inversée est probablement voué à l’échec. Il en sera certainement de même en partant d’un vin à 60 €/hL avec une désalcoolisation sous vide standard sans récupération des arômes pour créer un vin à 39 € destiné aux connaisseurs.

Le vin désalcoolisé gagne des parts de marché importantes ces dernières années. L’agence analyste britannique IWSR chiffre l’augmentation de la valeur à +11 % par an sur la période 2018-2023, pour dix marchés clés (pays européens + USA) – voir figure 1.

Figure 1 : Evolution du marché nolo (CAGR : taux actuariel)

Et pour le futur, des études différentes parlent d’une progression de 7 à 20 % par an. Par exemple, l’étude 2024 Verified Market Reports annonce +12,1 % par an sur la période 2024-2030, pour un marché mondial des vins désalcoolisés (moins de 0,5 % en TAV) qu’il estime à 10,1 milliards de dollars en 2030, contre  4,1 milliards en 2023. D’autres études sont reprises dans l’étude complète effectuée par Les Echos en juin 2024 « boissons nolo, un marché en pleine ascension ».

En Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans les pays nordiques, ces produits sont désormais bien implantés, que ce soit chez les cavistes ou en grande distribution. En France, les ventes progressent, même si notre culture gastronomique ralentit quelque peu ce développement. Nous assistons à un changement profond, avec des consommateurs qui souhaitent consommer de manière plus consciente et avoir le choix de boire ou non de l’alcool à tout moment.

Beaucoup de vignerons nous demandent aussi de créer avec eux une gamme de « low », des vins avec un TAV compris généralement entre 3 et 7 %. Les résultats sont très bons gustativement mais il est encore tôt pour savoir quel sera le succès commercial. Il faut en effet avoir en tête que le « vin sans alcool » est bu à un moment où le consommateur ne boira en aucun cas de l’alcool. C’est donc une concurrence aux sodas, aux jus de fruits. Le « low », lui, sera en concurrence directe avec la bière, ou le vin. 

Sur les réseaux sociaux et lors de discussions avec des vignerons ou des sommeliers, la question revient souvent : « Est-ce du vin ? ». Légalement, la réponse est claire, mais en tant que professionnel, on peut débattre longuement sur le sujet. Pour moi, la réponse est évidente : oui, le vin « nolow » est du vin.

Un vin où le savoir-faire du vigneron reste central, et où l’on retrouve des caractéristiques propres aux cépages et parfois même aux régions. Cependant, tout comme on ne compare pas un blanc et un rouge lors d’une dégustation, il ne faut pas comparer un vin alcoolisé et un vin sans alcool. Ce sont tous les deux des vins, mais adaptés à des moments de consommation différents recherchés par les consommateurs.

Je suis bien conscient de mon biais. Je suis convaincu que, à terme, presque chaque domaine proposera une option sans alcool (autre que le simple jus de raisin) qui contribuera à la viabilité économique du domaine et à la préservation de notre culture viticole.

Je suis convaincu que chacun doit trouver sa propre voie pour entrer sur ce marché, que ce soit par des essais à petite échelle (10 litres), des petites productions (20 hectolitres) ou même du white label (marque blanche). Heureusement, des experts sont là pour vous guider !

Frédéric Chouquet-Stringer

*Zoom sur Zenothèque

Fondée en 2021, Zenothèque a pour mission de rendre accessible à tous des vins désalcoolisés de qualité. Zenothèque propose à la fois des services de conseil aux producteurs et des ventes de vins off en désalcoolisés en B2B et B2C.
En 2024, Zenothèque, c’est une équipe de cinq personnes, plus de 450 000  litres de vin désalcoolisé en collaboration avec une trentaine de vignerons et utilisant cinq technologies différentes, 100 000 bouteilles de vin désalcoolisé premium vendues dans 14 pays.



Par Frédéric Chouquet-Stringer, fondateur de Zenothèque*