La question était à l’ordre du jour d’une journée technique organisée par les Œnologues de la région Champagne, fin novembre dernier. L’occasion de revenir sur les principales altérations microbiologiques du vin, arômes de champignons frais, goûts de souris et Brettanomyces mais aussi de découvrir des perspectives de bioprotection et d’élimination des molécules indésirables grâce aux dérivés de levures et bactéries.
Alors, amis ou ennemis ? Plutôt amis et ennemis, « tout dépend des microorganismes et des étapes d’élaboration », répond Patricia Taillandier, professeure à l’INP de Toulouse et animatrice de la journée. La microbiologiste a précisé en introduction que l’on parle surtout d’ennemis potentiels de la qualité organoleptique du vin, rappelant que le vin (non désalcoolisé) ne renferme aucun micro-organisme pathogène pour les humains.
D’un côté, « on se tourne vers les micro-organismes amis pour répondre à une demande du consommateur pour moins d’intrants chimiques ». L’utilisation de levures non-Saccharomyces pour bioprotéger les moûts et réduire le SO2 ou l’ajout de dérivés de levures pour éliminer certaines molécules indésirables en sont des exemples concrets. Et parallèlement, « on observe un regain de maladies microbiennes depuis quelques années : Brettanomyces, goûts de souris, graisse, arômes de champignons frais… »
« La clé est à la fois la connaissance microbiologique et le contrôle microbiologique, il nous faut dompter les micro-organismes pour maximiser leurs bienfaits et minimiser les risques », conclut Patricia Taillandier.
Les conférenciers ont confirmé l’augmentation des risques de déviations microbiennes, amplifiée par la réduction d’intrants chimiques et par le dérèglement climatique, engendrant son lot de pH plus élevés, de températures accrues des raisins, des moûts et des caves, de pluviométrie favorisant les contaminations à la vigne et donc les bactéries et levures d’altération…
Le problème touche particulièrement la Champagne. « Il y a 15-20 ans, on ne rencontrait pas trop de problèmes microbiologiques en Champagne, aujourd’hui c’est complètement différent », confirme Michel Valade, microbiologiste et ex responsable œnologie du Comité Champagne. Arômes de champignon frais, levures apiculées et acétate au pressurage, graisse sur vins de base et embouteillés, goûts de souris, Bretts sur rouges et sur blancs ne sont plus anecdotiques. Tout comme les reprises de malo en bouteille dans les différentes régions productrices de crémant.
Et ce n’est qu’un début. « La problématique hygiène va être de plus en plus importante dans les années à venir avec l’augmentation des populations en microorganismes, prévient Benjamin Clément, actuel responsable de projets microbiologie au Comité Champagne. Il faudra des moyens pour contenir cette charge, vérifier l’efficacité et la faisabilité des innovations biotechnologiques comme la bioprotection, les souches acidifiantes…
Lire tous les articles du dossier « Micro-organismes, amis ou ennemis ? « :
- Comprendre les contaminations microbiennes des moûts lors du pressurage champenois
- Arômes de champignon frais : un équilibre complexe entre micro-organismes amis et ennemis
- Goûts de souris : la mauvaise influence de souches Saccharomyces cerevisiae ?
- Biosorption des dérivés de levures et de bactéries et détoxification des moûts
- Hydrophobicité des surfaces et bioadhésion des Bretts
- La boite à outils des non-Saccharomyces
- Le point analyses