Le rapport « Review of Evidence on Alcohol and Health », publié fin 2024, évalue les preuves disponibles de liens entre une consommation modérée d’alcool et certains problèmes de santé, pour lesquels on manquait de données : la mortalité toutes causes confondues, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le déclin cognitif, certains cancers (du sein, de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage et colorectaux) et l’impact d’une consommation maternelle d’alcool pendant l’allaitement.
Conformément aux recommandations américaines actuelles, la consommation modérée prise en compte correspond à deux verres par jour, soit 28g d’alcool, pour les hommes et un verre par jour, soit 14g d’alcool, pour les femmes (recommandations établies en 2020).
Principales conclusions
Et sur ces bases, le rapport conclut que, comparée à une absence totale de consommation d’alcool, une consommation modérée est bien associée à une réduction de la mortalité toutes causes confondues : les buveurs modérés présentent un risque légèrement inférieur de décès comparé aux non-buveurs.
On peut donc réfuter l’idée selon laquelle il n’existerait « aucun niveau sûr » de consommation d’alcool.
La consommation modérée d’alcool a en effet été associée à un risque réduit de problèmes cardiovasculaires, par rapport à une abstinence totale, à savoir : moins de mortalité d’origine cardiovasculaire, chez les hommes et chez les femmes, moins d’Infarctus du myocarde non mortel et moins d’accident vasculaire cérébral non mortel.
Le rapport confirme en revanche qu’une consommation modérée augmente le risque de cancer du sein chez les femmes par rapport à la non-consommation. L’impact sur le risque de cancer colorectal est plus subtil : « une consommation modérée élevée est associée à un risque accru de cancer colorectal, comparée à une consommation modérée plus faible. » Et aucun lien concluant n’a pu être établi concernant les cancers de la bouche, du pharynx, du larynx et de l’œsophage.
Aucune association n’a pu être mise en évidence non plus, entre la consommation modérée d’alcool et le risque de développer la maladie d’Alzheimer, ou un déclin cognitif ou une démence.
Le rapport examinait également la relation entre l’alcool et plusieurs paramètres liés au poids (dont le risque de surpoids et d’obésité, l’indice de masse corporelle (IMC), les changements de poids et changements de tour de taille…). Et là encore, aucune conclusion n’a pu être tirée quant à l’impact d’une consommation modérée d’alcool par rapport à la non-consommation d’alcool.
Autre point au programme : les effets de la consommation d’alcool par les mères pendant l’allaitement des enfants, notamment sur la composition et la production de lait et sur le développement de l’enfant. Mais il n’a pas été possible de trancher, par manque d’études éligibles sur le sujet depuis 2010.
Le rapport précise également le niveau de certitude de ses conclusions, classé comme élevé, modéré ou faible. Aucune conclusion n’a atteint un niveau de certitude élevé. La diminution du risque de mortalité cardiovasculaire et le risque accru de cancer du sein chez les femmes sont observés avec une certitude modérée. Tous les autres liens ont été obtenus avec une certitude plus faible.
Conditions d’étude
Ce rapport, commandé par le Congrès des États-Unis dans le but d’éclairer les recommandations nutritionnelles pour les Américains, a été rédigé par 14 spécialistes dans le domaine de l’alcool et de la santé et revu par 10 autres experts.
Les auteurs se sont basés sur les études déjà effectuées, en excluant les études publiées avant 2010 (date du dernier examen complet sur ce sujet), ainsi que celles qui ne respectaient pas « les critères de robustesse statistique » (trop peu de participants…). Ont également été éliminées les études pouvant provoquer un « biais de l’abstention » : c’est-à-dire les études incluant les anciens consommateurs d’alcool devenus abstinents ; ceux-ci peuvent en effet modifier les résultats des vrais non-consommateurs d’alcool, abstinents depuis toujours.
Les experts ont par ailleurs identifié d’autres lacunes, en plus du biais de l’abstention, dans les études menées sur le sujet, comme la sous-déclaration de la consommation d’alcool par les participants, le manque de définitions normalisées des niveaux de consommation d’alcool, pour les ‘non-buveurs’ ou ‘buveurs modérés’, le manque de données liées au tabagisme, à l’âge, au sexe et à l’ascendance génétique…
« Notre rapport (…) souligne les lacunes dans la recherche qui, si elles sont comblées, pourraient renforcer les connaissances disponibles », déclare Ned Calonge, président du comité, doyen associé pour la pratique de la santé publique, professeur d’épidémiologie à la Colorado School of Public Health, et professeur de médecine familiale à la faculté de médecine de l’Université du Colorado. Il recommande donc que les futures études tiennent compte de ces limites pour améliorer les recherches à venir et souhaiterait qu’elles incluent en plus de nouvelles catégories lorsque cela est possible, comme « le statut de la ménopause, les femmes post-partum et leurs nourrissons ».
Pour la docteure Laura Catena, médecin formée à Harvard et Stanford, viticultrice et auteure du blog « In defense of wine » : « Ce rapport, conforme à son mandat confié par le Congrès, offre une perspective bien documentée sur l’état actuel de la science concernant les effets de la consommation modérée d’alcool sur la santé. »
Malheureusement, l’impact de la seule consommation de vin n’a pas été abordé : le rapport n’ayant pas distingué les résultats liés aux différents types d’alcool.
Le rapport est consultable en ligne ici et le communiqué de presse des Académies des Sciences ici
L’avis de Pierre-Louis Teissedre, vice-président de la Commission Sécurité et Santé de l’OIV
« Ce rapport majeur sur les effets de l’alcool sur la santé doit éclairer les directives diététiques pour les Américains de 2025, il révèle que les buveurs modérés avaient une mortalité toutes causes confondues plus faible et un risque de décès par maladie cardiovasculaire plus faible que ceux qui ne boivent jamais ou sont abstinents.

L’examen des données probantes sur l’alcool et la santé du NASEM (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine) résume les preuves disponibles publiées au cours des cinq à quinze dernières années sur le lien entre une consommation modérée d’alcool et la lactation, le poids, le cancer, les maladies cardiovasculaires, la neurocognition et la mortalité toutes causes confondues. Une consommation modérée est définie comme deux verres par jour pour les hommes et un verre par jour pour les femmes. Les conclusions du comité étant basées sur des associations, le rapport n’explique pas si la consommation d’alcool est directement responsable des résultats.
Les directives diététiques pour les Américains, 2020-2025 recommandent aux hommes de limiter leur consommation d’alcool à 2 verres ou moins par jour et pour les femmes un verre ou moins par jour. Cette recommandation est étayée par la prépondérance des preuves. De plus, les directives diététiques reconnaissent que la consommation excessive d’alcool doit être évitée et décrivent comment les calories provenant des boissons alcoolisées doivent être prises en compte, car elles peuvent facilement contribuer à un apport calorique excessif.
Il faut souligner pour le futur que le type de boisson alcoolique (vin, bière, spiritueux) consommée, ainsI que le contexte, les habitudes (culturelles, alimentaires/mode de vie, activité physique) doivent être prises en compte pour la définition des fréquences de consommation appropriées. Des recherches apparaissent nécessaires notamment sur la consommation de vin dans le contexte d’un régime alimentaire et d’un mode de vie sain, étant donné que le vin contient également des constituants bénéfiques (antioxydants phénoliques). »
Une étude espagnole innovante, basée sur l’analyse de l’acide tartrique urinaire, confirme l’effet cardiovasculaire chez les personnes à haut risque


La sous déclaration ou déclaration inexacte de consommation d’alcool par les sujets étudiés pose problème pour la validité de certaines études vin et santé. Pour éviter ce biais, une équipe de chercheurs espagnols s’est basée sur la mesure de l’acide tartrique urinaire des personnes suivies, l’acide tartrique urinaire étant considéré comme un biomarqueur objectif de la consommation de vin (métabolite dérivé uniquement du vin). Elle a ainsi évalué les liens entre ce biomarqueur et le risque de maladie cardiovasculaire chez une population à risque (1232 participants pendant 5 ans).
Et les résultats, parus fin décembre dans la revue European Heart Journal*, confirment les conclusions américaines : « La consommation de vin légère à modérée, mesurée par un biomarqueur objectif (acide tartrique), était objectivement associée à un taux de maladie cardiovasculaire plus faible, dans une population méditerranéenne à risque cardiovasculaire élevé. »
Les participants ayant des concentrations d’acide tartrique de 3 à 12 et de 12 à 35 μg/mL, soit l’équivalent de 3 à 12 et 12 à 35 verres par mois, présentaient des taux de risque réduits de respectivement 38 % et 50 %, par rapport à ceux ayant des taux d’acide tartrique inférieurs, correspondant à moins d’1 verre par mois.
En revanche, « des niveaux plus élevés d’acide tartrique, correspondant à une consommation de vin non modérée, n’étaient pas associés à un risque réduit de maladie cardiovasculaire. »
A noter que les auteurs montrent une « forte corrélation entre les niveaux d’acide tartrique urinaire et la consommation de vin autodéclarée, soutenant à la fois la fiabilité de ce biomarqueur comme indicateur de la consommation de vin et la validité des évaluations traditionnelles de consommation de vin autodéclarées. »
Ils rappellent également la complexité des études des effets de l’alcool sur la santé : l’étude ne prend pas en compte le contexte plus large de la consommation d’alcool, les habitudes de consommation d’alcool, les facteurs de mode de vie et les interactions possibles avec d’autres composants alimentaires. Ils soulignent donc « la nécessité d’une recherche plus affinée qui saisit la complexité des habitudes alimentaires et leur impact sur la santé. »
Lire l’étude espagnole ici – Lire l’éditorial associé ici
* Journal officiel de l’European Society of Cardiology (Société Européenne de Cardiologie)
Une seconde étude américaine plutôt contradictoire
Un second rapport américain publié en janvier 2025, par le Comité de coordination interagences sur la prévention de la consommation d’alcool par les mineurs (ICCPUD du ministère de la Santé et des Services sociaux) a lui aussi examiné la relation entre la consommation d’alcool et la santé aux États-Unis. Et il contredit l’étude NASEM. Les auteurs ont conclu que, parmi la population américaine, « le risque de décès lié à l’alcool commence à de faibles niveaux de consommation ». « Aux États-Unis, hommes et femmes ont 1 risque sur 1000 de décès lié à l’alcool s’ils consomment plus de 7 verres par semaine. Ce risque monte à 1 sur 100 s’ils consomment plus de 9 boissons par semaine. » Ils précisent cependant que « la majorité de ces décès attribuables à l’alcool sont causés par des accidents de la route, des blessures non intentionnelles et des blessures intentionnelles. »
Un rapport de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) Europe de février dernier souhaite que les étiquettes des boissons alcoolisées signalent le risque de cancer. Lire ici.