Voix des Œnologues - Commission Vin & Santé

Deux rapports montrent les effets bénéfiques d’une consommation modérée d’alcool

Aux USA, les Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine (NASEM) ont publié, en décembre dernier, un rapport examinant les preuves scientifiques des relations entre la consommation modérée d’alcool et la santé. Il confirme, entre autres, qu’une consommation modérée d’alcool est bien associée à une réduction de la mortalité toutes causes confondues. Et comme rien n’est simple en matière de vin et santé, il est contredit par une seconde étude américaine mais conforté par une recherche espagnole.
Publié le 15 avril 2025

Par Catherine Bioteau, pour la commission Vin et Santé des Œnologues de France

Le rapport « Review of Evidence on Alcohol and Health », publié fin 2024,  évalue les preuves disponibles de liens entre une consommation modérée d’alcool et certains problèmes de santé, pour lesquels on manquait de données : la mortalité toutes causes confondues, les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le déclin cognitif, certains cancers (du sein, de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage et colorectaux) et l’impact d’une consommation maternelle d’alcool pendant l’allaitement.

Conformément aux recommandations américaines actuelles, la consommation modérée prise en compte correspond à deux verres par jour, soit 28g d’alcool, pour les hommes et un verre par jour, soit 14g d’alcool, pour les femmes (recommandations établies en 2020).

Et sur ces bases, le rapport conclut que, comparée à une absence totale de consommation d’alcool, une consommation modérée est bien associée à une réduction de la mortalité toutes causes confondues : les buveurs modérés présentent un risque légèrement inférieur de décès comparé aux non-buveurs.

On peut donc réfuter l’idée selon laquelle il n’existerait « aucun niveau sûr » de consommation d’alcool.

La consommation modérée d’alcool a en effet été associée à un risque réduit de problèmes cardiovasculaires, par rapport à une abstinence totale, à savoir : moins de mortalité d’origine cardiovasculaire, chez les hommes et chez les femmes, moins d’Infarctus du myocarde non mortel et moins d’accident vasculaire cérébral non mortel.

Le rapport confirme en revanche qu’une consommation modérée augmente le risque de cancer du sein chez les femmes par rapport à la non-consommation. L’impact sur le risque de cancer colorectal est plus subtil : « une consommation modérée élevée est associée à un risque accru de cancer colorectal, comparée à une consommation modérée plus faible. »  Et aucun lien concluant n’a pu être établi concernant les cancers de la bouche, du pharynx, du larynx et de l’œsophage.

Aucune association n’a pu être mise en évidence non plus, entre la consommation modérée d’alcool et le risque de développer la maladie d’Alzheimer, ou un déclin cognitif ou une démence. 

Le rapport examinait également la relation entre l’alcool et plusieurs paramètres liés au poids (dont le risque de surpoids et d’obésité, l’indice de masse corporelle (IMC), les changements de poids et changements de tour de taille…). Et là encore, aucune conclusion n’a pu être tirée quant à l’impact d’une consommation modérée d’alcool par rapport à la non-consommation d’alcool.

Autre point au programme : les effets de la consommation d’alcool par les mères pendant l’allaitement des enfants, notamment sur la composition et la production de lait et sur le développement de l’enfant.  Mais il n’a pas été possible de trancher, par manque d’études éligibles sur le sujet depuis 2010.

Le rapport précise également le niveau de certitude de ses conclusions, classé comme élevé, modéré ou faible. Aucune conclusion n’a atteint un niveau de certitude élevé. La diminution du risque de mortalité cardiovasculaire et le risque accru de cancer du sein chez les femmes sont observés avec une certitude modérée. Tous les autres liens ont été obtenus avec une certitude plus faible.

Ce rapport, commandé par le Congrès des États-Unis dans le but d’éclairer les recommandations nutritionnelles pour les Américains, a été rédigé par 14 spécialistes dans le domaine de l’alcool et de la santé et revu par 10 autres experts.

Les auteurs se sont basés sur les études déjà effectuées, en excluant les études publiées avant 2010 (date du dernier examen complet sur ce sujet), ainsi que celles qui ne respectaient pas « les critères de robustesse statistique » (trop peu de participants…). Ont également été éliminées les études pouvant provoquer un « biais de l’abstention » : c’est-à-dire les études incluant les anciens consommateurs d’alcool devenus abstinents ; ceux-ci peuvent en effet modifier les résultats des vrais non-consommateurs d’alcool, abstinents depuis toujours.

Les experts ont par ailleurs identifié d’autres lacunes, en plus du biais de l’abstention, dans les études menées sur le sujet, comme la sous-déclaration de la consommation d’alcool par les participants, le manque de définitions normalisées des niveaux de consommation d’alcool, pour les ‘non-buveurs’ ou ‘buveurs modérés’, le manque de données liées au tabagisme, à l’âge, au sexe et à l’ascendance génétique…

« Notre rapport (…) souligne les lacunes dans la recherche qui, si elles sont comblées, pourraient renforcer les connaissances disponibles », déclare Ned Calonge, président du comité, doyen associé pour la pratique de la santé publique, professeur d’épidémiologie à la Colorado School of Public Health, et professeur de médecine familiale à la faculté de médecine de l’Université du Colorado. Il recommande donc que les futures études tiennent compte de ces limites pour améliorer les recherches à venir et souhaiterait qu’elles incluent en plus de nouvelles catégories lorsque cela est possible, comme « le statut de la ménopause, les femmes post-partum et leurs nourrissons ».

Pour la docteure Laura Catena, médecin formée à Harvard et Stanford, viticultrice et auteure du blog « In defense of wine »  : « Ce rapport, conforme à son mandat confié par le Congrès, offre une perspective bien documentée sur l’état actuel de la science concernant les effets de la consommation modérée d’alcool sur la santé. »

Malheureusement, l’impact de la seule consommation de vin n’a pas été abordé :  le rapport n’ayant pas distingué les résultats liés aux différents types d’alcool.

Le rapport est consultable en ligne ici  et le communiqué de presse des Académies des Sciences  ici  

Par Catherine Bioteau, pour la commission Vin et Santé des Œnologues de France